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La Liberté (partie 1)

LA LIBERTE

La liberté peut être définie de différentes façons selon qu’on l’envisage comme liberté individuelle ou comme liberté collective, selon une approche positive de la liberté ou au contraire négative. Ainsi on peut parler de liberté comme absence de contraintes (liberté négative) ou de liberté comme possibilité concrète de réaliser ses actions (liberté positive) ; on peut comprendre la liberté comme libre-arbitre, c’est-à-dire comme décision intérieure et subjective et choix, ou comme action libre dans le champ social ou politique. Elle engage en réalité la définition même de ce qui fait le propre de l’homme.

Nous verrons qu’elle s’établit en société dans le cadre des Lois et qu’elle constitue un critère de Justice qui nous permettra d’évaluer les modèles sociaux et politiques. Enfin, elle est une des composantes de l’aspiration au Bonheur.

Problématique : La liberté est-elle le propre de l’homme ? Quelles sont les conditions de la liberté ? Comment concilier la liberté individuelle et la liberté collective ? Atteindre le bonheur nécessite-t-il d’être libre ? La liberté peut-elle nous empêcher d’être heureux ?

1. Sommes-nous vraiment libres ?

a) Liberté de choix et responsabilité

La liberté de choix est une liberté d’arbitrage : le Libre-Arbitre

Le libre-arbitre met en jeu une puissance de décision, la volonté, et la faculté de raisonner. La volonté particulière se présente comme la cause de l’action. La liberté est d’abord définie comme la possibilité d’une délibération et d’un choix. En effet, pour Aristote, il faut distinguer les actes volontaires, qui résultent d’une décision et d’un choix délibéré, desa ctes involontaires qui ne laissent pas la place à une décision.

René Descartes, Méditations métaphysiques (1641)

Définition du libre-arbitre / Question de la liberté d’indifférence / Lien avec la volonté

Descartes définit le libre-arbitre comme liberté de choisir. Selon lui, nous sommes d'autant plus libres que nous agissons en connaissance de cause (à l'inverse la liberté d'indifférence, celle où l'on choisit sans motif, est le plus bas degré de la liberté). En effet, le choix délibéré est l'expression la plus haute de notre liberté comme exercice de notre raison : raison qui nous permet de calculer notre intérêt, mais aussi raison morale qui nous conduit à faire le "bon choix".

Pourtant, si l’homme peut agir de sa propre initiative, c’est qu’il peut rompre avec le déterminisme naturel et devenir « première cause » et créateur de nouvelles déterminations. Mais cette faculté de rompre avec l’enchaînement des causes naturelles n’est-elle pas une illusion ? Si l’homme fait partie du monde, comment peut-on penser le libre-arbitre face à la nécessité naturelle ?

Aristote, Ethique à Nicomaque (IVe s. av. JC)

Parmi les choix volontaires, Aristote distingue ceux qui sont le fruit d'une réflexion et ceux qui sont irréfléchis. Il s’agit là d’une théorie de la responsabilité et des degrés de liberté. En effet, selon cette théorie, les choix sont d’autant plus libres qu’ils sont l’objet d’une délibération réfléchie. Il existe donc des degrés de liberté et des degrés de responsabilité (un enfant n’est pas autant responsable de ses actes qu’un adulte, quelqu’un qui agit en connaissance de cause est plus responsable que celui qui ignore les motifs et les conséquences de ses actions). Est d’autant plus libre donc celui qui est plus savant, celui qui fait usage de sa raison.

 

Le liberté se définit donc ici comme l'absence de contrainte, notamment de contrainte extérieure, dans la prise de décision et dans le choix. Le libre-arbitre est une liberté individuelle qui ne renvoie qu'au for intérieur de chacun et qui se joue entre la volonté et la raison. Toute forme de contrainte est ainsi à opposer à cette liberté notamment les contraintes sociales. En effet, dans cette première approche de la liberté, celle-ci s'oppose aussi aux obligations et influences sociales en affirmant l'autonomie du sujet. La liberté individuelle s'arrange sans doute avec les lois et les règles de la vie en société, mais elle semble bien les considérer comme des contraintes et des empêchements. Mais alors, doit-on se contenter de cette "liberté sauvage" qu'est la liberté individuelle ? L'homme est aussi un animal politique qui se caractérise par sa préférence pour la vie en société. Comment concilier cette liberté avec les contraintes de la vie en commun ?

De la même façon, la liberté individuelle semble s'opposer à la nécessité qui préside aux destinées des êtres naturels. Comment concilier l'appartenance de l'homme au monde naturel et sa capacité à échapper aux règles qui l'organisent ? Ainsi le déterminisme naturel semble-t-il ne pas concerner l'homme. Pourtant, cette exception humaine n'est-elle pas une illusion ?

b) Le Libre-arbitre est-il une illusion ?

L’impératif du principe de causalité fonde un déterminisme qui ne semble pas laisser de place à la liberté humaine. Si l'homme fait partie de la nature, comment pourrait-il échapper à ses règles ?

Déterminisme : relation nécessaire entre une cause et un effet. Le déterminisme soumet les phénomènes aux lois de l’enchaînement causal.

Si l’on reconnait le déterminisme dans la Nature (« rien n’est sans raison »), comment imaginer que l’homme soit le seul être vivant à échapper à ce principe ? L’action humaine comme la décision même intérieure de l’homme ne paraît pas pouvoir échapper à ce déterminisme. Peut-on réellement agir sans raison, prendre une décision sans qu’elle ne soit finalement le résultat d’un enchaînement de causes, de faits liés et déterminés ?

On peut rapporter toute action humaine à un système de déterminations : naturelles, sociales, historiques, psychologiques qui mettent en cause le libre-arbitre comme faculté de choisir sans être contraint. Même dans le cas que soulignait Descartes de la liberté d’indifférence, celle qui nous fait agir par pur acte de la volonté, cette décision finalement ne peut-elle pas toujours être rapportée  à une nécessité, ne serait-ce que celle de prendre une décision ? C'est le paradoxe de l'acte gratuit tel qu'André Gide le souligne dans Les caves du Vatican.

Il faut bien convenir que, même lorsque nous prenons une décision en toute liberté, en toute conscience, elle se révèle toujours motivée par quelque raison, quelque motif, même si ceux-ci ne nous apparaissent pas de prime abord. Un observateur extérieur pourrait expliquer notre action et notre choix, au moins après coup.

Hume, Traité de la nature humaine (1739)

Mais alors, d'où peut bien provenir cette illusion de liberté que nous partageons tous ? Sans doute de la conscience que nous avons de nos actes, de nos pensées et de nos choix. En effet, le sujet pense être libre parce qu'il a conscience de sa propre volonté. Pourtant, cette conscience nous cache les motifs réels de nos choix, en réalité déterminés par les circonstances, par des raisons qui nous échappent, mais surtout par notre propre nature. C'est notre nature qui explique nos réactions et nos choix, elle détermine nos réponses aux circonstances particulières.

Le libre-arbitre ne serait alors qu’une illusion de la conscience ! Ayant conscience de son action, mais non des raisons qui les motivent, l’homme s’imagine que sa liberté en est la cause.

Spinoza, Lettre à Schuller (1674)

Cette illusion du libre-arbitre est sans doute nécessaire. Elle constitue en réalité la condition de toute action humaine : condition psychologique, sociale et politique. La liberté est ainsi, selon Kant, un postulat de la Raison pratique. Pourtant, la liberté comme condition de l’action n’est plus cette liberté de choisir que nous proposait la définition du libre-arbitre. Comment redéfinir cette nouvelle liberté ?

Si, comme le souligne ironiquement Nietzsche, le libre-arbitre est une invention qui nous rend responsables et souvent coupables de nos actes, il faut sans doute redéfinir la liberté, non plus en termes de choix, mais en termes d’affirmation d’une volonté. La liberté est alors certainement à mettre en rapport avec l'élan qui nous porte à nous libérer, à nous émanciper de ce qui nous contraint. Cette liberté est ce qui fait la spécificité de l’existence humaine et ce qui l’oblige à s’inventer lui-même. L’homme est condamné à être libre (Sartre) !

 

2. Autrui limite-t-il ma liberté ?

a) La liberté est-elle individuelle ou collective ?

Pourquoi est-il si difficile de penser la liberté ? Sans doute parce que, nous l’avons vu, le problème est mal posé, le concept mal défini. Si, avec Nietzsche, on peut penser déjà la liberté comme émancipation, affirmation d’une volonté de puissance qui déborde la subjectivité, nous verrons que l’approche politique de la liberté nous permet d’échapper aussi au dilemme entre liberté théorique et déterminisme pratique.

Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme (1946)

La liberté telle que l'entend Sartre est une liberté qui caractérise absolument l'existence humaine. Le sujet humain n'est pas défini à l'avance (en tant justement qu'il est une personne morale et capable de décision) mais se définit lui-même par son action. "Pour l'homme, l'existence précède l'essence", c'est-à-dire que l'homme existe avant d'avoir une nature définie : son existence, son action, ses choix et l'usage pratique de sa liberté vont le définir. L'homme est ainsi un "projet" qui se vit subjectivement et qui engage pourtant tous les hommes. En effet, puisque l'on ne peut définir l'homme que par ce qu'il fait, chaque homme engage la définition de l'humanité entière !

Cette liberté qui est le propre de l’homme ne peut donc être cette liberté théorique, cette liberté de décision en son for intérieur qu'est le libre-arbitre. Nous relèvons donc que la liberté ne se situe pas ainsi dans un espace abstrait et métaphysique. Elle participe donc de l’activité humaine et surtout de l’activité sociale de l’homme. C’est une liberté en commun qui justement invente des modes d’être ensemble, des manières de vivre, de se comporter, qui s’exprime dans les relations et notamment dans les relations de pouvoir.

En effet, Hannah Arendt le souligne, la liberté n'est pas d'abord un phénomène de la volonté intérieure (ce que l'on appelle le "libre-arbitre"), mais une propriété de l'action extérieure. " Être libre et agir ne font qu'un. " (H. Arendt, La Crise de la culture, " Qu'est-ce que la liberté ? ").

Hannah Arendt, La Crise de la Culture (1961)

Pour cette philosophe, la liberté est une action avant d’être une réflexion ou un choix délibéré. Cette action s’inscrit bien sûr dans une histoire, mais cette histoire est révolue. Il s’agit pour l’homme libre de créer du nouveau, d’étonner, de surprendre. L’acte libre est un acte innovant, presqu’un « miracle » selon elle. On le voit, Arendt est en décalage par rapport à une philosophie de la liberté traditionnelle. Pour Arendt, il ne s’agit pas de libre-arbitre ou de liberté métaphysique, mais d’une liberté en acte et en commun (politique).

Il ne s’agit plus ici de comprendre comment ma liberté intérieure agit sur le monde, mais de reconnaître des actes de liberté dans les actions politiques elles-mêmes. Philosophe de l'action, H. Arendt montre néanmoins que la pensée, le fait de réfléchir, est une action. Elle montrera d'ailleurs les dangers de l'absence de pensée quand elle assistera au procès Eichmann en 1961 : Eichmann est un des responsables de la politique nazie d'extermination des juifs d'Europe. Arendt souligne l'absence de pensée de cet administrateur de la Shoah et construit la notion de "banalité du mal" pour désigner cette absence de pensée qui est en réalité criminelle. La liberté est bien liée à une responsabilité en acte, une responsabilité créatrice de nouvelles conditions politiques, de nouveaux dispositifs du « vivre ensemble ». C’est aussi pourquoi elle insiste sur le fait que l’éducation doit conduire l’enfant à être un adulte innovant. Toute éducation pour Arendt, comme d’ailleurs pour Kant (mais il s’agit là d’une liberté comme autonomie), est une éducation à la liberté : liberté de l’agir, liberté politique.

Pour Arendt, si la conscience d’être libre qui commande nos actions pratiques ne peut être validée par une quelconque théorie (ce serait comme vouloir prouver un cercle carré nous dit-elle), c’est que la connaissance obéit au principe logique de conséquence : tout est en fonction d’une cause, principe de causalité. Alors que les Grecs comprenaient la liberté comme liberté politique, la philosophie a compliqué les choses en renvoyant notre liberté sur la « scène intérieure ». Mais, le premier lieu où l’on puisse en faire l’expérience est l’espace politique, l’espace public. La liberté est avant tout dans le monde, ce n’est pas la liberté métaphysique des philosophes.

Nous pouvons alors comprendre que ce monde où l’expérience de la liberté est possible est le monde commun, le monde de la cité (polis). Seule la communauté politique permet d’accueillir l’expression de la liberté et de la manifester. Nous ne sommes pas libres seuls, mais en commun, dans l’espace public, par le dialogue et l’échange des points de vue, dans la vita activa que représente la vie politique (et non dans la vita contemplativa).

 

- D’une part, on comprend qu’il y aura des sociétés capables de laisser s’exprimer la liberté (de l’encourager à la création) et d’autres qui le seront moins ou qui renonceront à cette liberté au nom de l’idéologie. De là l'importance pour Arendt de l'analyse des totalitarismes et de leur lutte contre l’expression des diversités et des libertés.

- Mais, d’autre part, la question de l’inscription de la liberté politique dans la société, nous oblige à penser ses rapports à la loi et à la justice sous un autre angle que celui du simple empêchement ! Si la liberté se manifeste dans l’espace public, elle nécessite un ordre politique qui le lui permette, elle nécessite la protection des lois (peut-être celle de l’Etat). Une société étant d’autant plus juste qu’elle permettra aux libertés civiles et politiques de s’exprimer en son sein et de renouveler l’expérience commune.

 

b) Comment concilier ma liberté avec celle des autres ?

La liberté ainsi replacée dans le territoire commun, se trouve définie à partir d’un domaine d’exercice. On comprend dès lors qu’elle est soumise à une organisation, à un système de droits et de devoirs qui fonde des lois. En effet, si la liberté est politique, cette action s’inscrit dans une société historique qui a établi un certain nombre de règles. Ces règles de droit sont les lois. Elles régulent les rapports sociaux et restreignent les expressions conflictuelles.

 

La loi semble bien d’abord être une contrainte, une restriction imposée à ma liberté afin qu’elle n’entre pas en conflit avec celle des autres. Faut-il donc que chacun accepte de brider sa liberté pour pouvoir l’exercer dans l’espace commun ? Si l’on se situe dans la perspective ouverte par Arendt, nous serions alors obligés de reconnaître que la liberté n’est jamais pleine et entière. Elle est toujours limitée dans son exercice par les lois. Ainsi, de la même façon que les lois naturelles brident ma liberté en lui imposant le domaine du possible (je ne suis pas libre de faire ce qui est impossible selon ces lois), les lois de la société seraient les limites que rencontre ma liberté confrontée à celle d’autrui.

 

T. Hobbes, Le Léviathan (1651)

Il semble donc que la loi, qui impose des droits et des devoirs, soit une entrave à la liberté individuelle. Pourtant, cette entrave est ce qui permet la vie en commun et donc la seule expression possible de cette même liberté. C’est le point de vue défendu par les penseurs du Contrat social. Ainsi Hobbes pense-t-il que pour échapper à l’état de nature, qui est celui de la guerre de tous contre tous (c’est-à-dire finalement celui de l’affrontement des libertés et des volontés individuelles), il est nécessaire que l’homme abandonne une part de sa liberté au profit d’un souverain (une personne ou une République). Le Souverain est alors seul à même de réguler les rapports sociaux et d’exercer la contrainte.

En ce sens, suite au Contrat social, l’individu a renoncé à l’exercice plein de sa liberté, mais il y a gagné une protection contre celui qui voudrait les soumettre.

La liberté « sauvage » qui consistait à faire ce que l’on voulait est remplacée par la liberté sociale, la liberté politique ou civile. C’est la théorie libérale de la liberté : celle-ci est ce qu’il reste possible hors de la législation, hors du pouvoir du souverain. La liberté vient se loger dans les interstices de la société, elle n’est plus au centre, mais devient marginale ! Pourtant, on le voit avec Hobbes, c’est une liberté qui concerne finalement les affaires privées. C’est aussi la définition qu’en donnera Benjamin Constant, une « liberté des Modernes » qui consiste dans la préservation de la sphère privée de toute intervention du législateur, contrairement à la « liberté des Anciens » qui consistait dans l’expression publique de sa liberté, malgré leur manque de liberté privée.

On pourrait dire pour marquer la différence que « Le but des modernes est la sécurité dans les jouissances privées ; et ils nomment liberté les garanties accordées par les institutions à ces jouissances. » (Benjamin Constant, De la liberté des anciens comparée à celle des Modernes 1819). La loi, l’Etat garantit l’exercice de mes libertés privées. On remarque que cette liberté ne permet pas une intervention dans la politique publique telle que l’imaginait Arendt par exemple. Elle semble limitée pratiquement à la liberté du commerce !

 

Faut-il soumettre nos libertés à cette « loi du commerce » ? Ne peut-on pas penser autrement la liberté obtenue par contrat dans la société ?

En effet, le Contrat social qui me fait transférer mon pouvoir à la communauté, qui soumet mon intérêt à l’intérêt commun crée de fait la volonté générale. Depuis Locke, penseur lui aussi d’un Contrat social qu’il nomme association par consentement mutuel, s’impose l’idée que la volonté générale, l’opinion et les décisions de la majorité sont plus pertinentes que les points de vue particuliers (on peut se demander ce qui nous garantit que la pluralité est plus rationnelle qu’un seul ?). Il s’agit donc de convertir les volontés particulières qui peuvent s’opposer et s’affronter, en volonté générale. C’est le but, selon Rousseau, du Contrat social. L’harmonie naturelle des volontés ne peut être exprimée que par l’association consentie et par un pacte social qui engage chacun à renoncer à certains de ses droits.

Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social (1762)

Mais avec Rousseau, le Contrat n’est pas une contrainte absolue sur ma liberté. Ce sont les droits ou les pouvoirs que je m’aliène en constituant le corps social, non la liberté. De plus, le fait de transférer ces droits à une association dont je fais activement partie et à laquelle j’acquiesce est une façon de me donner mes propres lois. La liberté nouvelle ainsi constituée pourrait se définir comme liberté sociale et politique, comme liberté de droit inscrite dans la loi. Elle consiste en effet à se donner ses propres lois, c’est-à-dire à être autonome. Il rompt ainsi totalement avec l’idée d’une liberté qui soit la simple satisfaction de ses désirs et de ses besoins, pour ouvrir à une forme morale et sociale de la liberté : « L'impulsion du seul appétit est esclavage, et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté. » (Du Contrat social).

 

Il ne s’agit donc plus ici de brider sa liberté en raison des contraintes de la vie en société, d’accepter des contraintes qui la limitent, mais bien d’accéder à une liberté véritable, à la pleine expression de sa liberté en société. La liberté sociale et politique est l’obéissance à la loi que l’on s’est imposée, elle offre la possibilité d’agir librement à l’échelle de la collectivité. Loin de limiter ma liberté, les lois lui confèrent la protection du droit et lui permettent d’être prise en considération. Par le Contrat, par le pacte social, que l’on peut interpréter aujourd’hui à partir de l’idée démocratique (le vote, les institutions démocratiques et la représentativité constituent une forme de renouvellement du pacte social), les libertés sont réconciliées et n’empiètent plus les unes sur les autres.

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La liberté n’est pas forcément contraire à toute législation. On pourrait même postuler que les lois rendent les hommes plus libres que l’absence de lois qui les livrerait aux concurrences infinies entre les volontés. L’obéissance à la loi peut ainsi être une condition de ma liberté. Partant de ce constat, on peut établir dans quelles conditions une loi est garante de ma liberté et dans quelles conditions elle en limiterait au contraire la portée. Ne serait-ce pas alors le critère d’une loi juste ?

L’obéissance à ces lois permet donc d’harmoniser les libertés, de leur conférer un caractère universel, mais permet-elle l’exercice de cette innovation dont parlait Arendt, l’action politique créatrice de nouvelles modalités du vivre ensemble ? Pourtant, il n’en demeure pas moins que la possibilité d’être libre qui est garantie par les droits, notamment les Droits de l’homme ou les libertés civiles, n’est pas une garantie d’exercice.

Si l’on interroge l’approche de la liberté comme acte, comme action politique et pratique, les lois qui protègent et les droits accordés semblent bien autoriser une forme d’expression de notre liberté, mais ils ne l’encouragent pas réellement. Ne peut-on regretter avec Marx que ces droits restent bien théoriques, bien formels ? Il déplore ainsi le détournement de la loi au profit des dominants et de la protection de la propriété. L’exigence de liberté peut-elle se passer d’une volonté d’égalité ?

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