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Synthèse : Politique & Morale

 

Synthèse : La Politique & la Morale

 

Notions traitées, repères et auteurs abordés dans le cours et au programme de terminale.

Repères : Ces oppositions vous permettent de repérer les problématiques pour le commentaire de texte. Elles doivent vous servir à construire un plan et à problématiser le sujet pour la dissertation. Absolu / Relatif ; Essentiel / Accidentel ; En fait / En droit ; Identité / Egalité / Différence ; Légal / Légitime ; Obligation / Contrainte ; Origine / Fondement ; Universel / Général / particulier / singulier

Auteurs : Auteurs étudiés dans le cours – vous ne devez pas nécessairement connaître leur doctrine, mais vous pouvez relire les textes que nous avons étudiés et ceux qui sont  dans le manuel. Platon, Aristote / Hobbes, Descartes, Montesquieu, Hume, Rousseau, Kant / Hegel, Marx, Nietzsche, Freud, Durkheim, Foucault

 

L'ETAT

L’Etat est une notion moderne, puisque le terme n’apparaît pour désigner une communauté politique qu’à partir du XVème siècle. L’Etat succède à la Cité, comprise comme lieu de vie commun où chacun exerce sa responsabilité de citoyen (cité : polis, politique). Qu’il soit issu d’un Contrat ou de la formation d’une communauté d’intérêts, l’Etat soumet à son autorité les individus qui le composent. Instance dialectique, l’Etat tend à concilier la liberté et la sécurité de chacun. Ainsi, il arbitre les conflits entre les intérêts particuliers et prétend à constituer l’intérêt général. Il organiserait donc les équilibres de la société civile, mais au prix tout de même d’une soumission à son autorité.

 

* Le Contrat Social à l’origine de l’Etat ?

La naissance de l’Etat marque, selon les philosophes contractualistes, le passage de l’état de nature à l’état de société pour les hommes. Il consiste ainsi, selon Hobbes, à transférer la souveraineté des individus à un être artificiel qui devient alors le seul détenteur du pouvoir de contraindre et de faire respecter sa loi. Pour éviter l’affrontement des libertés (« la guerre de tous contre tous »), l’Etat bénéficierait alors du monopole de la violence légitime (Max Weber). Mais que reste-t-il alors de la liberté de l’individu ? Pour Hobbes, celle-ci doit être limitée à tout ce que l’Etat ne règlemente pas, c’est-à-dire à la liberté civile : liberté d’éducation, de commerce... C’est donc à une vision restrictive de la liberté que cède Hobbes, au nom de la sécurité de tous. Pourtant, le Contrat social apparaît alors comme un asservissement volontaire à un Etat dont le pouvoir semble illimité !

            Ne peut-on envisager un Contrat social plus équilibré qui n’entraîne pas un tel renoncement de la part des citoyens ? C’est la perspective adoptée par Rousseau qui refuse de sacrifier la liberté naturelle de l’homme à un pouvoir contraignant (pour Hobbes, la liberté naturelle n’est pas réelle puisqu’elle aboutirait à l’affrontement des intérêts). Il s’agira plutôt alors de préserver cette liberté dans la société, dans la vie en communauté. C’est ce que le Contrat social veut établir chez Rousseau : une nouvelle liberté qui ne soit pas le renoncement à la liberté naturelle, mais bien plutôt un moyen de la prolonger dans l’état de société. L’Etat résulte d’un Contrat par lequel l’individu s’engage à respecter la volonté générale et la liberté des autres. Ce faisant, il garantit sa propre liberté par la loi et le droit ! Elle est redéfinie comme autonomie : « l’obéissance à la loi que l’on s’est prescrite est liberté ».

 

* L’Etat, garant des libertés

L’Etat serait donc une instance politique permettant de garantir les libertés individuelles et d’assurer le bien commun, en fixant des règles d’exercice de ces libertés. La finalité de l'Etat est la Liberté selon Spinoza. L'Etat n'est pas alors seulement l'arbitre entre les libertés, mais bien la forme politique et historique d’une affirmation concrète des libertés individuelles (notamment l’Etat moderne depuis la Révolution française pour Hegel). Le citoyen est celui qui possède une liberté concrète, réelle et non une liberté naturelle qui demeure abstraite !

Pourtant, il apparaît que l’Etat vise aussi à sa propre conservation et qu’il peut sans doute contraindre les libertés au-delà de son « mandat ». Rien ne garantit l’impartialité et la modération du pouvoir de cette instance dont on peut critiquer le fonctionnement réel.

 

* L’Etat est-il impartial ?

 En effet, c’est le sens de la critique formulée par les marxistes et les anarchistes, l’Etat ne peut-il s’autoriser de l’intérêt général pour réprimer les libertés individuelles et assurer la domination politique des classes favorisées ?

Ainsi, le philosophe allemand Max Stirner dénonce-t-il tout marchandage de sa liberté (serait-ce au nom de la sécurité). La liberté peut-elle sans contradiction être limitée ou découpée ? Au contraire, on peut voir dans l’Etat une instance de répression qui maintient un ordre social aux dépends de l’individu. L’institution politique serait alors un fantôme, une illusion créée par l’homme pour s’assujettir lui-même. De même, l’analyse par Marx et Engels du fonctionnement de la société capitaliste entend-elle montrer que l’Etat est mis au service de la classe dominante, transformant sa domination économique en pouvoir politique. L’Etat est alors un moyen d’oppression et sa légitimation est idéologique.

L’idée d’un Contrat social qui unirait les citoyens ne sert qu’à masquer la réalité du pouvoir politique et des luttes qui traversent la société civile. Ainsi, la politique et l’Etat seraient « la continuation de la guerre par d’autres moyens » selon Michel Foucault... Pourtant, si ces analyses critiques de la fonction sociale de l’Etat permettent d’interroger sa légitimité, elles ne permettent pas de comprendre comment celui-ci assure son pouvoir sur la société.

 

* L’Etat ou le gouvernement des libertés

En effet, il faut certainement dépasser le point de vue de la répression. La Société civile et l’Etat ne sont pas dans un simple face-à-face, on peut repérer des modalités de participation et de collaboration entre ces instances sociales. Ainsi, la sociologie souligne-t-elle l’importance des relais du pouvoir de l’Etat dans les corps intermédiaires et tous les groupes restreints qui organisent le tissu social (Emile Durkheim). Le pouvoir n’est pas central, extérieur, mais relayé dans la société civile. Ce n’est pas une simple puissance de contraindre, mais un pouvoir immanent et qui ne fonctionne pas à sens unique. En effet, entre l’individu et l’Etat, se glissent des contre-pouvoirs, des pouvoirs concurrents ou collaboratifs qui vont moduler l’application des règles et motiver l’action des citoyens.

Si l’Etat emporte l’adhésion des citoyens, c’est que le pouvoir est diffus et compose avec les différentes stratégies des acteurs de la société. On pourrait ainsi dire, avec Michel Foucault, que dans l’Etat moderne et libéral, la gestion et la production des libertés est essentielle au gouvernement...

 

Alors que l’approche contractualiste nous présentait un Etat né d’un Contrat, d’une négociation entre liberté et sécurité, nous avons vu que sa légitimité pouvait être remise en cause. Le pouvoir de l’Etat garantit-il les libertés ou les contraint-il au profit d’une domination politique ? Pourtant, la critique de l’Etat comme appareil répressif, ne permettait pas de comprendre son fonctionnement réel. Nous avons donc envisagé que le pouvoir de l’Etat ne soit pas simplement contraignant, mais qu’au contraire il suscite, favorise certaines formes de liberté. L’Etat ne peut en tout état de cause être compris comme une institution extérieure et inanimée mais fait bien partie de la vie de la société...

 

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LA JUSTICE ET LE DEVOIR

Droit positif ≠ Droit naturel – Le Droit est un ensemble de règles écrites qui structure la vie sociale. Il s’exprime sous la forme de la Constitution et des Lois. Le Droit positif est le droit tel qu’il est formulé pour une société, concrètement. Ce droit est celui utilisé par l’institution qui fait régner la justice, qui conduit les procès et produit les jugements. Pourtant, on peut estimer que ce Droit est fondé sur un Droit naturel qui en serait la source et qui permettrait peut-être d’en évaluer la légitimité.

La Déclaration des Droits de l'homme constitue une tentative d'inscription du Droit naturel dans la législation : pourtant l'universalité des Droits ainsi spécifiés peut être contestée. La critique marxiste des Droits de l'homme voit en eux la transcription des idées bourgeoises : individualisation du Droit et sacralisation de la propriété privée.

Justice – La Justice est d’abord un sentiment partagé et qui semble inné chez tous les hommes. Elle correspond aussi à un idéal, un principe naturel ou transcendant. Mais cette Justice universelle est incarnée dans la réalité sociale par une Justice comme institution, comme une exigence aussi de justice et d’équité sociale.

 

* Origine de l’exigence de Justice

La sociabilité humaine

L’homme est un animal politique et il entre dans sa nature de constituer une société selon Aristote. Mais cette nature humaine comprend aussi le langage qui permet l’échange, mais aussi de désigner ce qui est juste. Pourtant, nous avons vu avec Platon que ce sens commun n’est pas si partagé, ou plutôt qu’il ne correspond pas à une connaissance établie des critères de Justice. En effet, si la Justice a partie liée avec la sociabilité de l’homme, elle peut différer selon les sociétés. Il apparaît impossible de trouver une seule loi qui soit universelle. Serait-ce alors que la Justice est une affaire de convention ?

Le Contrat Social

La Justice et le Droit proviennent de l’association des hommes et si on ne peut les fixer à l’avance, c’est sans doute qu’ils résultent d’un Contrat. Par l’édification du Contrat social (Rousseau), le citoyen transforme son droit et sa liberté naturels en Droit et Liberté socialisés, culturels. Le droit conventionnel constitue la société civile et politique, il établit la constitution et les lois. Chacun est alors considéré comme un citoyen porteur des mêmes droits et des mêmes devoirs. Il ne s’agit pas là de devoirs moraux (devoirs absolus liés à notre humanité) comme ceux dont parle Kant, mais bien de devoirs civiques (voter, respecter la loi, etc.). Ils sont liés à un accord contractuel et constituent des obligations en contrepartie de liberté et de sécurité.

* Droit universel et Justice sociale

Guidé par la volonté générale, éclairé par la Raison et ses principes universels, trouvant dans la nature humaine et le sentiment de justice son origine, le Droit n’en demeure pas moins tout autre qu’un Droit théorique. Dans la réalité de son application, le droit pratique se heurte aux individualismes et aux intérêts particuliers qui peuvent aussi être légitimes (par exemple, pour rétablir une situation d’inégalité). La Justice en tant que justice sociale est confrontée à l’existence des inégalités sociales qui perturbent son application. Un Droit égal pour tous est-il à même de répondre aux exigences d’une justice sociale qui fasse place aux revendications des minorités (discrimination positive) tout en luttant contre les inégalités ? Ainsi existe-t-il une tension entre les principes abstraits d’une justice conçue comme un principe transcendant et son application concrète dans la société...

Pourtant, si la finalité d’une justice égale pour tous est bien d’établir un Etat de droit et une égalité entre les citoyens, sa réalité concrète peut se révéler bien différente. Nous abordons ici la question de l’application des principes de Justice dans le Droit positif tel qu’il est mis en œuvre dans les lois et par les tribunaux (jurisprudence). Ce droit positif établit du même geste la légalité et l’illégalité ! Comme institution politique, le droit et l’appareil judiciaire participent du maintien de l’ordre et de la fixation d’un cadre aux rapports sociaux. Mais cette fonction normative d’inclusion n’est pas sans revers : le droit est en même temps ce qui exclut et peut fermer une collectivité à toute expression nouvelle, extérieure ou « anormale ». Finalement, on pourrait avancer que le droit issu de la convention sociale est un outil dont on peut se servir pour protéger comme pour exclure ! Cette ambiguïté du droit positif nous invite à interroger les lois à l’aune d’une Justice universelle qui les dépasserait. Mais où doit-on en chercher les principes ?

Il faut sans doute distinguer avec John Rawls l'aspiration à la Justice et à l'égalité, du principe plus pragmatique d'équité. L'équité est comme l'adaptation de la visée égalitaire à la situation sociale et à ses inégalités : donner plus à ceux qui ont moins et aider les défavorisés, tolérer les inégalités si et seulement si elles bénéficient à tous. Pourtant, si cette vision du droit et de la justice équitable semble plus pragmatique et concrète que l'appel à des principes de Justice abstraits, on peut lui reprocher sûrement d'abandonner l'objectif d'une égalité concrète et réelle entre les hommes. Par ailleurs, les principes rationnels qui guident la théorie de la justice équitable ne s'interrogent pas sur les moyens d'imposer cette conception à une société donnée : cette théorie de la Justice semble oublier les questions de pouvoir et les luttes politiques.

 

* Légitimité de la justice et de la loi positive

La tragédie de Sophocle, Antigone, peut nous fournir un exemple de cette opposition entre la loi morale et la loi de la société et du pouvoir. Finalement, ne peut-on envisager une Justice au-dessus de celle des hommes qui permette de juger celle-ci et parfois de s’y opposer (droit de résistance) ?

Pourtant, si l’on estime que l’important dans la loi est sa capacité à garantir l’ordre social, comme le défend Hobbes, il paraît difficile de fixer des limites à son application légitime. La légitimité du Droit découlerait de sa fonction : préserver la paix. Ainsi, on pourrait dire avec H. Kelsen, que le Droit tire sa légitimité de sa cohérence et non de sa correspondance à une Justice transcendante, universelle. Mais nous pouvons difficilement nous satisfaire de cette réponse ! En effet, il nous apparaît nécessaire de prendre en compte le sentiment d’injustice que nous ressentons face à certaines lois iniques. Il est sans doute l’indice d’une Justice autre à laquelle nous nous référons pour évaluer la Justice en situation, d’une Justice universelle dont le sentiment est partagé par tous les hommes et qui trouverait son origine dans sa nature rationnelle (L. Strauss).

Légitimité et Droit naturel

On peut considérer au contraire que le besoin d’une référence à un Droit naturel est toujours aussi manifeste. Il y a en effet, c’est une évidence d’expérience, des lois et des décisions injustes et il semble légitime de les évaluer comme telles. Ces injustices nous les ressentons au nom d’une conception du Droit qui nous sert d’étalon pour juger le droit existant. De fait, nous ne sommes pas prisonniers des règles de notre société, nous pouvons prendre du recul par rapport à ces dernières. L’homme a ainsi en lui la capacité d’évaluer le Juste indépendamment des situations juridiques historiques. Le Droit naturel correspond ici à des règles qui respectent la nature de l’homme défini comme un être raisonnable et épris de justice.

 

L’évolution historique du Droit et l’adaptation des règles de Justice aux contextes sociaux nous obligent à reconnaître la valeur expérimentale de toute législation. La Justice est ainsi bien une vertu (nous l’avons vu dans l’Alcibiade), mais c’est une vertu qui s’anime dans le dialogue et l’échange, dans l’expérimentation et avec autrui. L’implication du public dans la constitution du Droit, avec la participation de tous à la vie législative, est requise dans la mise en œuvre d’une Justice démocratique.

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