Nous pensons avec le langage
« Le langage n'est pas seulement le revêtement extérieur de la pensée ; c'en est l'armature interne. Il ne se borne pas à la traduire au-dehors une fois qu'elle est formée ; il sert à la faire. Cependant, il a une nature qui lui est propre, et, par suite, des lois qui ne sont pas celles de la pensée. Puisque donc il contribue à l'élaborer, il ne peut manquer de lui faire violence en quelque mesure et de la déformer [...]. Penser, en effet, c'est ordonner nos idées ; c'est, par conséquent, classer. Penser le feu, par exemple, c'est le ranger dans telle ou telle catégorie de choses, de manière à pouvoir dire qu'il est ceci ou cela, ceci et non cela. Mais, d'un autre côté, classer, c'est nommer ; car une idée générale n'a d'existence et de réalité que dans et par le mot qui l'exprime et qui fait, à lui seul, son individualité. Aussi la langue d'un peuple a-t-elle toujours une influence sur la façon dont sont classées dans les esprits et, par conséquent, pensées les choses nouvelles qu'il apprend à connaître ; car elles sont tenues de s'adapter aux cadres préexistants. »