Synthèse : L'Existence humaine et la Culture
Notions traitées, repères et auteurs abordés dans le cours et au programme de terminale.
Notions :
La Culture : - L’art et la technique
- La Nature
Repères : Ces oppositions vous permettent de repérer les problématiques pour le commentaire de texte. Elles doivent vous servir à construire un plan et à problématiser le sujet pour la dissertation.
Absolu / Relatif ; Abstrait / Concret ; Cause/Fin ; Identité/Egalité/Différence ; Objectif / Subjectif ; Obligation / Contrainte ; Principe / Conséquence ; En théorie / En pratique ; Universel / Général / Particulier / Singulier
Auteurs : Auteurs étudiés dans le cours – vous ne devez pas nécessairement connaître leur doctrine, mais vous pouvez relire les textes que nous avons étudiés et ceux qui sont dans le manuel.
Platon, Aristote / Descartes, Hume, Kant / Hegel, Tocqueville, Nietzsche, Marx, Freud, Heidegger, Arendt, Foucault
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La Nature s'oppose à la Culture en ce qu'elle correspond à ce qui est donné sans intervention de l'homme. La Nature est à la fois l'environnement, le monde réel dans son ensemble, et l'essence d'une chose, ce qui permet de la définir (par exemple la "nature humaine"). A l'inverse, la Culture s’oppose d’abord à la nature, en ce qu’elle est avant tout une transformation du monde, de l’environnement par l’homme. Ainsi, la culture s’affirme dans le développement des arts et des techniques. Mais elle est aussi ce qui s’oppose à la « sauvagerie », c’est-à-dire à la nature humaine telle qu’elle se donne avant toute éducation, avant toute transformation. La Culture est alors une transformation de soi, notamment au contact de l’autre. Nous verrons que la Culture est la façon dont l’homme en société habite le monde et tente d’y mieux vivre…
* La Culture permet-elle la domination de la Nature ?
Selon Descartes, la science doit nous rendre « comme maîtres et possesseurs de la nature ». C’est la promesse portée par le développement de la culture en tant qu’intervention de l’homme sur la nature. Par quels moyens l’homme entend-il prendre possession de son bien ? Nous voyons que la transformation du monde est l’œuvre du processus culturel, elle passe par le travail : c’est-à-dire qu’elle est d’abord une transformation de la Nature par la technique et l’art.
Alors que la technique n’est d’abord comprise que comme règle de l’art, il faut distinguer arts et techniques à partir du couplage moderne de la technique et de la science. Au sens moderne, nous parlons de la technique comme de la fabrication d’outils et de machines, comme d’une composante essentielle de notre société industrielle. Est technique tout ce qui transforme la Nature en vue d’une utilité quelconque, au moyen d’outils ou d’une discipline. La finalité de la technique est une finalité pratique, elle utilise la science pour agir sur le monde.
L’art se définit plutôt désormais à partir des Beaux-Arts, c’est-à-dire comme une production d’œuvres d’art dont la finalité n’est pas l’utilité, mais sans doute la beauté ou l’expérience esthétique.
* Promesses et dangers de la technique
L’homme peut être caractérisé d’abord comme homo faber, comme celui qui est capable de produire des outils. La technique présente donc d’abord une promesse de réalisation et de transformation du monde qui suscite les espoirs et accroit le pouvoir de l’homme.
Il reste peu de paysages qui n’aient été transformés par l’action de l’homme, l’accélération des techniques modernes et l’industrialisation ont permis un développement sans précédent des sociétés humaines. Chaque ressource est exploitée afin d’augmenter les capacités de production et de transformation. La technique permet cette croissance économique qui est le moteur de notre civilisation.
Mais cet accroissement n’est pas sans risque ! Nous le voyons désormais avec les effets néfastes de l’exploitation par l’homme de la nature, de ses ressources. L’actualité nous informe des risques écologiques, des dangers qui pèsent sur l’équilibre naturel, en raison du développement incontrôlé des technosciences. La croissance continue des activités humaines et des besoins favorise une société de consommation qui menace finalement d’épuiser les ressources disponibles. De plus, la technique change le sens même de notre environnement et comprend une vision du monde. En effet, la vision technique de la nature réduit celle-ci à notre simple usage : une réduction utilitariste qui efface les autres dimensions de notre rapport au monde (dimension esthétique, dimension morale ou plus spirituelle…).
Si la technique change notre rapport à la Nature, elle modifie aussi la société : une société technique s’impose et s’organise en fonction d’une rationalisation des comportements humains qui peut être vécue comme une aliénation (dans le travail notamment). Elle peut apparaître comme une idéologie : c’est le sens de la critique qui dénonce l’emprise de la technique sur la société, et notamment les risques qu’elle fait courir à la démocratie.
Face à ces inquiétudes, il semble important de préciser de nouvelles exigences éthiques et politiques. Ainsi, nous pouvons avancer le Principe de Responsabilité tel que Hans Jonas l’a envisagé : il s’agit de contrôler l’innovation technique afin qu’elle ne nuise pas à l’avenir de l’humanité et du monde. C’est un principe éthique qui s’oppose aux débordements de la culture techniciste.
De même, les défis posés par le développement des techniques et leur emprise sur la société, nous obligent à inventer de nouvelles pratiques démocratiques dans l’espace public (pratiques du débat, de l’enquête et de la consultation des citoyens concernés) pour répondre aux dangers d’un gouvernement par la technique. Mais il est aussi important de ressaisir les promesses de la technique dans une culture plus large qui fasse une place non seulement à la production et à l’utilité, mais aussi à la création et à l’art.
* Place de l’art et de la création
L’art apparaît d’abord comme gratuit, désintéressé. Il transforme le monde, la matière, mais dans le but d’y imprimer la marque de la créativité humaine. Quelle est cependant la visée de l’art ?
Selon Hegel, l’art vise à réaliser l’esprit dans la matière, à exprimer la spiritualité de l’homme. Il ne peut se définir seulement comme imitation de la nature. C’est en incarnant l’idée du Beau que l’art transforme le matériau. Ainsi, la finalité de l’art n’est pas pratique, mais spirituelle. Cependant, une difficulté apparaît quand nous essayons de définir cette idée de Beau. En effet, la diversité des jugements de goût ne permet pas de caractériser un Beau universel, qui plairait à tous. Pourtant, nous dit Kant, la prétention à l’universalité est ce qui caractérise le jugement esthétique, sans que l’on puisse la justifier ou la constater. Il s’agit donc d’une idée qui échappe à la raison et à la conceptualisation. Le Beau semble être éprouvé par le sujet et affirmer la liberté de création de l’homme.
Pourtant, cette création ne peut se faire sans un certain savoir-faire, sans le concours d’une technique. Ici, la technique est définie comme médiatrice entre la nature et la culture, entre l’homme et son environnement : la technique est un ensemble de moyens au service de l’homme qui en reste le « chef d’orchestre » (G. Simondon). La technique retrouve donc sa juste place dans la culture et elle retrouve aussi un sens en se mettant au service de la créativité. Ce qui donne sens à la fois à l’art comme pratique et à la technique comme production, c’est l’expérience de création. L’art peut ainsi être compris comme vérité de la technique.
Le sens retrouvé de la technique est donc celui de moyen de création. Les catégories esthétiques modernes et contemporaines permettent de penser cette création comme expérience, expérimentation sociale, politique et culturelle. En effet, l’art contemporain remet en cause une séparation trop stricte des techniques et de l’art. Il faut repenser la technique à partir de l’art et l’art à partir de la technique. Il faut créer de nouvelles valeurs qui obligent aussi à repenser l’expérience esthétique, en rupture avec les conceptions du Beau ou de l’imitation telles que nous les proposent la tradition. C’est ainsi que W. Benjamin nous propose d’envisager l’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique. C’est aussi le sens des expérimentations des avant-gardes et de l’art contemporain : du dadaïsme aux performances, en passant par les ready made de Marcel Duchamp…
Les techniques et les technologies sont incorporées dans l’art, réconciliées avec le pouvoir de création libre qui seul donne sens aux réalisations humaines. Elles étendent les pouvoirs de création de l’homme, tout en préservant un dialogue ouvert avec le monde qu’il s’agit d’organiser en œuvre. La modernité technique est à la source d’une nouvelle expérience esthétique, mais aussi plus généralement d’une expérience culturelle renouvelée où le spectateur devient acteur dans une création en commun.
* La culture transforme la nature humaine
Au-delà de la transformation du donné naturel, qui s’exprime dans la production technique, dans les technologies et dans la création artistique et ses expériences, il y a aussi une expérience de transformation de soi qui caractérise la Culture. La Culture est alors une transformation dirigée non vers l’extérieur, mais vers l’homme lui-même. La vie en société modifie la nature humaine. Ainsi, nous avons vu avec Freud que la civilisation est un processus de domination des pulsions, de la violence.
Mais la Culture est-elle seulement une domestication de l’homme ? Cette domestication qui est nécessaire pour organiser les rapports sociaux, se complète d’une Education de l’homme à sa seconde nature, sa nature d’être libre et responsable. Si l’individu accepte de brider sa liberté naturelle, sa liberté animale qui le pousse à se livrer à ses instincts et ses désirs, c’est pour gagner une liberté différente. Nous pouvons définir cette liberté comme une liberté éduquée (le processus d’éducation est exemplaire de la façon dont fonctionne la culture – avec l’éducation on passe de l’état de nature à l’état civilisé).
Cette liberté qui est le résultat du processus de civilisation est celle qui comprend la responsabilité, l’éthique, et finalement la rationalité du comportement et de la vie en société. La contrainte qui caractérise la culture et l’éducation n’a de sens que dans cette finalité émancipatrice (Kant, Traité de pédagogie).
La Culture produit en l'humanité comme une Seconde Nature.
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Ce n’est qu’au terme de ce processus Culturel, qui passe par le travail et la transformation de la Nature, mais aussi par le travail sur soi (au moyen des techniques et des arts) qu’il peut y avoir auto-production de l’humanité de l’homme. Elle ne nous permet pas seulement de mieux vivre, mais finalement de vivre pleinement notre condition d’être rationnel, créatif et libre.