Articles de sgarniel

C. Lévi-Strauss - Le barbare c'est celui qui croit en la barbarie

Par Le 15/04/2020

« On sait, en effet, que la notion d'humanité, englobant, sans distinction de race ou de civilisation, toutes les formes de l'espèce humaine, est d'apparition fort tardive et d'expansion limitée. Là même où elle semble avoir atteint son plus haut développement, il n’est nullement certain - l'histoire récente le prouve - qu'elle soit établie à l'abri des équivoques ou des régressions. Mais, pour de vastes fractions de l'espèce humaine et pendant des dizaines de millénaires, cette notion apparaît totalement absente. L'humanité cesse aux frontières de la tribu, du groupe linguistique, parfois même du village ; à tel point qu'un grand nombre de populations dites primitives  se désignent d'un nom qui signifie les "hommes" [...] impliquant ainsi que les autres tribus groupes ou villages  ne participent pas des vertus - ou même de la nature humaine, mais sont tout au plus composés de "mauvais", de "méchants", de "singes de terre" ou "d'œufs de pou" [....] dans les Grandes Antilles, après la découverte de l'Amérique, pendant que les Espagnols envoyaient des commissions d'enquête pour rechercher si les indigènes possédaient ou non une âme, ces derniers s'employaient à immerger des blancs prisonniers afin de vérifier par une surveillance prolongée si leur cadavre était ou non, sujet à la putréfaction.

[...] C'est dans la mesure même où l'on prétend établir une discrimination entre les cultures et les coutumes que l'on s'identifie le plus complètement avec celles qu'on essaye de nier. En refusant l'humanité à ceux qui apparaissent comme les plus "sauvages" ou les plus "barbares" de ses représentants, on ne fait que leur emprunter une de leur attitude typique. Le barbare c'est celui qui croit à la barbarie. »

Claude Lévi-Strauss, Race et Histoire (1961)

E. Weil - Le dialogue contre la violence

Par Le 15/04/2020

« Le problème qui se pose à celui qui cherche la nature du dialogue n'est nul autre que celui de la violence et de la négation de celle-ci. Car que faut-il pour qu'il puisse y avoir dialogue ? La logique ne permet qu'une chose, à savoir, que le dialogue, une fois engagé, aboutisse, que l'on puisse dire lequel des interlocuteurs a raison, plus exactement, lequel des deux a tort : car s'il est certain que celui qui se contredit a tort, il n'est nullement prouvé que celui qui l'a convaincu de ce seul crime contre la loi du dialogue ne soit pas également fautif, avec ce seul avantage, tout temporaire, qu'il n'en a pas encore été convaincu.[...] Mais pourquoi l'homme accepte-t-il une situation dans laquelle il peut être confondu?

Il l'accepte, parce que la seule autre issue est la violence : quand on n'est pas du même avis, il faut se mettre d'accord ou se battre jusqu'à ce que l'une des thèses disparaisse avec celui qui l'a défendue. [...] Concrètement parlant, quand il n'est pas un jeu, le dialogue porte, en dernier ressort, toujours sur la façon selon laquelle on doit vivre. »

Eric Weil, Logique de la philosophie (1950)

E. Kant - L'éducation doit apprendre l'autonomie

Par Le 15/04/2020

« L’homme est la seule créature qui soit susceptible d’éducation. […] L'éducation doit donc, premièrement, discipliner les hommes. Les discipliner, c'est chercher à empêcher que ce qu’il y a d'animal en eux n'étouffe ce qu'il y a d'humain, aussi bien dans l'homme individuel que dans l'homme social. La discipline consiste donc simplement à les dépouiller de leur sauvagerie. Deuxièmement, elle doit les cultiver. La culture comprend l’instruction et les divers enseignements. C'est elle qui donne l'habileté. Celle-ci est la possession d'une aptitude suffisante pour toutes les fins qu'on peut avoir à se proposer. […] Troisièmement, il faut aussi veiller à ce que l'homme acquière de la prudence, à ce qu'il sache vivre dans la société de ses semblables de manière à se faire aimer et à avoir de l'influence. C'est ici que se place cette espèce de culture qu'on appelle la civilisation. Elle exige certaines manières, de la politesse et cette prudence qui fait qu'on peut se servir de tous les hommes pour ses propres fins. […] Quatrièmement, on doit enfin veiller à la moralisation. Il ne suffit pas en effet que l'homme soit propre à toutes sortes de fins ; il faut encore qu'il sache se faire une maxime de n'en choisir que de bonnes. [...]

On peut ou bien dresser, façonner, instruire l’homme d'une manière toute mécanique, ou bien l'éclairer véritablement. On dresse des chevaux, des chiens, et l'on peut aussi dresser des hommes. Il ne suffit pas de dresser les enfants ; il importe surtout qu'ils apprennent à penser. »

Emmanuel Kant, Traité de pédagogie (1803)

S. Freud - La culture limite nos passions

Par Le 15/04/2020

« L'homme n'est pas un être doux, en besoin d'amour, qui serait tout au plus en mesure de se défendre quand il est attaqué, mais au contraire il compte aussi à juste titre parmi ses aptitudes pulsionnelles une très forte part de penchant à l'agression. En conséquence de quoi, le prochain n'est pas seulement pour lui un aide et un objet sexuel possibles, mais aussi une tentation, celle de satisfaire sur lui son agression, d'exploiter sans dédommagement sa force de travail, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de s'approprier ce qu'il possède, de l'humilier, de lui causer des douleurs, de le martyriser et de le tuer. "Homo homini lupus" [l'homme est un loup pour l'homme] ; qui donc, d'après toutes les expériences de la vie et de l'histoire, a le courage de contester cette maxime ? [...]

L'existence de ce penchant à l'agression que nous pouvons ressentir en nous-mêmes, et présupposons à bon droit chez l'autre, est le facteur qui perturbe notre rapport au prochain et oblige la culture à la dépense qui est la sienne. Par suite de cette hostilité primaire des hommes les uns envers les autres, la société de la culture est constamment menacée de désagrégation. L’intérêt de la communauté de travail n’assurerait pas sa cohésion, les passions pulsionnelles sont plus fortes que les intérêts rationnels. Il faut que la culture mette tout en œuvre pour assigner des limites aux pulsions d'agression des hommes. »

Sigmund Freud, Le Malaise dans la culture (1929)

E. Durkheim - La fonction sociale de la religion

Par Le 15/04/2020

« Il y a donc dans la religion quelque chose d’éternel qui est destiné à survivre à tous les symbolismes particuliers dans lesquels la pensée religieuse s’est successivement enveloppée. Il ne peut pas y avoir de société qui ne sente le besoin d’entretenir et de raffermir, à intervalles réguliers, les sentiments collectifs et les idées collectives qui font son unité et sa personnalité. Or, cette réfection morale ne peut être obtenue qu’au moyen de réunions, d’assemblées, de congrégations où les individus, étroitement rapprochés les uns des autres, réaffirment en commun leurs communs sentiments ; de là, des cérémonies qui, par leur objet, par les résultats qu’elles produisent, par les procédés qui y sont employés, ne diffèrent pas en nature des cérémonies religieuses. Quelle différence essentielle y a-t-il entre une assemblée de chrétiens célébrant les principales dates de la vie du Christ, ou de juifs fêtant soit la sortie d’Egypte soit la promulgation du Décalogue, et une réunion de citoyens commémorant l’institution d’une nouvelle charte morale ou quelque grand évènement de la vie nationale ? »

Emile Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse (1912)

Niki de Saint-Phalle et Tinguely - Bonnie & Clyde

Par Le 29/03/2020

Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely se rencontrent à Paris en 1955, dans l'effervescence artistique de l'après-guerre. Ils ont 25 et 30 ans, sont tous deux mariés. Ils mettront cinq ans à tomber amoureux et à décider de vivre et créer ensemble, à l'aventure. Durant quarante ans, ce couple nomade n'a pas fait d'enfants, mais des sculptures, monumentales de préférence, partout dans le monde.

De l'Europe au Japon, leurs oeuvres ont su convertir un public immense, avec de sacrées machines (pour lui) et des créatures multicolores (pour elle). Avec de magnifiques archives et le témoignage de leurs proches, ce documentaire retrace leur vie et leur épopée artistique.

Documentaire (origineel) Franstalig
Les Bonnie & Clyde de l'Art 55' in ARTS CULTURE
Niki de Saint Phalle & Jean Tinguely