« Le problème qui se pose à celui qui cherche la nature du dialogue n'est nul autre que celui de la violence et de la négation de celle-ci. Car que faut-il pour qu'il puisse y avoir dialogue ? La logique ne permet qu'une chose, à savoir, que le dialogue, une fois engagé, aboutisse, que l'on puisse dire lequel des interlocuteurs a raison, plus exactement, lequel des deux a tort : car s'il est certain que celui qui se contredit a tort, il n'est nullement prouvé que celui qui l'a convaincu de ce seul crime contre la loi du dialogue ne soit pas également fautif, avec ce seul avantage, tout temporaire, qu'il n'en a pas encore été convaincu.[...] Mais pourquoi l'homme accepte-t-il une situation dans laquelle il peut être confondu?
Il l'accepte, parce que la seule autre issue est la violence : quand on n'est pas du même avis, il faut se mettre d'accord ou se battre jusqu'à ce que l'une des thèses disparaisse avec celui qui l'a défendue. [...] Concrètement parlant, quand il n'est pas un jeu, le dialogue porte, en dernier ressort, toujours sur la façon selon laquelle on doit vivre. »
Eric Weil, Logique de la philosophie (1950)