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Articles de sgarniel

B. Spinoza - La fin de l'Etat est la Liberté

Par Le 22/03/2020

« Des fondements de l’Etat tels que nous les avons expliqués ci-dessus, il résulte avec la dernière évidence que sa fin dernière n’est pas la domination ; ce n’est pas pour tenir l’homme par la crainte et faire qu’il appartienne à un autre que l’Etat a été institué ; au contraire, c’est pour libérer l’individu de la crainte, pour qu’il vive autant que possible en sécurité, c’est-à-dire conserve, aussi bien qu’il le pourra, sans dommage pour autrui, son droit naturel d’exister et d’agir. […] La fin de l’Etat est donc, en réalité, la liberté.

Nous avons vu aussi que, pour former l’Etat, une seule chose est nécessaire : que tout le pouvoir de décréter appartienne soit à tous collectivement, soit à quelques-uns, soit à un seul. Puisque, en effet, le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun pense être seul à tout savoir et qu’il est impossible que tous opinent pareillement et parlent d’une seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l’individu n’avait renoncé à son droit d’agir suivant le seul décret de sa pensée. C’est donc seulement au droit d’agir par son propre décret qu’il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite, nul à la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain, agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté opiner et juger et, en conséquences aussi parler, pourvu qu’il n’aille pas au-delà de la simple parole ou de l’enseignement, et qu’il défende son opinion par la Raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine, ni dans l’intention de changer quoi que ce soit dans l’Etat de l’autorité de son propre décret. »

Baruch Spinoza, Traité Théologico-politique (1670)

J.-J. Rousseau - La loi légitime est celle de la volonté générale

Par Le 22/03/2020

« Il n’y a qu’une seule loi qui par sa nature, exige un consentement unanime. C’est le pacte social. [...] Si donc, lors du pacte social, il s’y trouve des opposants, leur opposition n’invalide pas le contrat, elle empêche seulement qu’ils n’y soient compris ; ce sont des étrangers parmi les Citoyens. Quand l’Etat est institué le consentement est dans la résidence ; habiter le territoire c’est se soumettre à la souveraineté. […] Mais on demande comment un homme peut être libre, et forcé de se conformer à des volontés qui ne sont pas les siennes. Comment les opposants sont-ils libres et soumis à des lois auxquelles ils n’ont pas consenti ? Je réponds que la question est mal posée. Le Citoyen consent à toutes les lois, même à celles qu’on passe malgré lui, et même à celles qui le punissent quand il ose en violer quelqu’une.

La volonté constante de tous les membres de l’Etat est la volonté générale ; c’est par elle qu’ils sont citoyens libres. Quand on propose une loi dans l’assemblée du peuple, ce qu’on leur demande n’est pas précisément s’ils approuvent la proposition ou s’ils la rejettent, mais si elle est conforme ou non à la volonté générale qui est la leur ; chacun en donnant son suffrage dit son avis là-dessus, et du calcul des voix se tire la déclaration de la volonté générale. Quand donc l'avis contraire au mien l'emporte, cela ne prouve autre chose sinon que je m’étais trompé, et que ce que j’estimais être la volonté générale ne l’était pas. Si mon avis particulier l’eût emporté, j’aurais fait autre chose que ce que j’avais voulu, c’est alors que je n’aurais pas été libre. »

Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social (1762)

J.-J. Rousseau - Le Contrat social

Par Le 22/03/2020

« " Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant. " Tel est le problème fondamental dont le contrat social donne la solution.

Les clauses de ce contrat sont tellement déterminées par la nature de l'acte que la moindre modification les rendrait vaines et de nul effet ; en sorte que, bien qu'elles n'aient peut-être jamais été formellement énoncées, elles sont partout les mêmes, partout tacitement admises et reconnues ; jusqu'à ce que, le pacte social étant violé, chacun rentre alors dans ses premiers droits et reprenne sa liberté naturelle, en perdant la liberté conventionnelle pour laquelle il y renonça.

Ces clauses bien entendues se réduisent toutes à une seule, savoir l'aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté. Car, premièrement, chacun se donnant tout entier, la condition est égale pour tous, et la condition étant égale pour tous, nul n'a intérêt de la rendre onéreuse aux autres. »

Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social (1762)

Th. Hobbes - L'Etat, un homme artificiel

Par Le 22/03/2020

« La nature, cet art par lequel Dieu a produit le monde et le gouverne, est imitée par l'art de l'homme, en ceci comme en beaucoup d'autres choses, qu'un tel art peut produire un animal artificiel. […] Car c'est l'art qui crée ce grand Léviathan qu'on appelle RÉPUBLIQUE OU ÉTAT (Civitas en latin), lequel n'est qu'un homme artificiel quoique d'une stature et d'une force plus grandes que celles de l'homme naturel, pour la défense et protection duquel il a été conçu ; en lui la souveraineté est une âme artificielle, puisqu'elle donne la vie et le mouvement à l'ensemble du corps ; les magistrats et les autres fonctionnaires préposés aux tâches judiciaires et exécutives sont les articulations artificielles ; la récompense ou le châtiment qui, attachés au siège de la souveraineté, meuvent chaque articulation et chaque membre en vue de l'accomplissement de sa tâche, sont les nerfs, car ceux-ci jouent le même rôle dans le corps naturel ; la prospérité et la richesse de tous les membres particuliers sont la force ; la sauvegarde du peuple (salus populi) est son occupation ; les conseillers qui proposent à son attention toutes les choses qu'il lui faut connaître sont sa mémoire ; l'équité et les lois lui sont une raison et une volonté artificielles ; la concorde est sa santé, les troubles civils sa maladie, et la guerre civile, sa mort. Enfin les pactes et conventions par lesquels les parties de ce corps politique ont été à l'origine produites, assemblées et unifiées ressemblent au "Fiat" - ou au "Faisons l'homme" que prononça Dieu lors de la création. »

Thomas Hobbes, Léviathan (1651)

C. Montesquieu - Le "doux commerce"

Par Le 21/03/2020

« Le commerce guérit des préjugés destructeurs ; et c’est presque une règle générale que, partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce ; et que, partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces. […]

L’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels.

Mais si l’esprit de commerce unit les nations, il n’unit pas de même les particuliers. Nous voyons que, dans les pays où l’on n’est affecté que de l’esprit de commerce, on trafique de toutes les actions humaines, et de toutes les vertus morales ; les plus petites choses, celles que l’humanité demande, s’y font, ou s’y donnent pour de l’argent. L’esprit de commerce produit dans les hommes un certain sentiment de justice exacte, opposé d’un côté au brigandage, et de l’autre à ces vertus morales qui font qu’on ne discute pas toujours ses intérêts avec rigidité, et qu’on peut les négliger pour ceux des autres. »

Charles de Montesquieu, De l’Esprit des Lois (1748)

A. Caillé - Anthropologie du don

Par Le 21/03/2020

Entretien avec Alain Caillé, Professeur émérite d'économie et de sociologie, réalisé au cours de la réédition de l'ouvrage "Gérer les ingérables" aux Editions ESF ...