« [L]e vivant est essentiellement désir. Si l’on entend par désir, comme nous l’avons déjà précisé, non pas un manque circonscrit auquel répond un objet défini mais un manque qui est creusé par ce qui le comble et qui éprouve toute satisfaction comme la négation de ce qui le comblerait vraiment, alors le vivre du vivant n’est autre que l’acte du désir. Le désir n’est pas une forme dérivée ou sublimée du besoin, qui suppose la complétude vitale : il nomme le mode d’exister même du vivant comme incomplétude essentielle. En tant qu’il est aliéné de lui-même dans une totalité absente, le vivant n’a pas de désir, il est désir. […]
Alors que le besoin est manque d’une partie de soi et suppose par là même une identité reconstituée, le désir procède d’une incomplétude et est donc toujours en même temps désir de soi. Ainsi, dans le désir, le rapport à soi et rapport à l’autre ne font pas alternative : l’actualisation du Tout dans des expériences finies et en même temps constitution de soi. »
Renaud Barbaras, Le Désir et la Distance (1999)