« SOCRATE - Ce qui donne naissance à une cité, repris-je, c'est, je crois, l'impuissance où se trouve chaque individu de se suffire à lui-même, et le besoin qu'il éprouve d'une foule de choses ; ou bien penses-tu qu'il y ait quelque autre cause à l'origine d'une cité ?
ADIMANTE - Aucune, répondit-il.
S - Ainsi donc, un homme prend avec lui un autre homme pour tel emploi, un autre encore pour tel autre emploi, et la multiplicité des besoins assemble en une même résidence un grand nombre d'associés et d'auxiliaires ; à cet établissement commun nous avons donné le nom de cité, n'est-ce pas ? A - Parfaitement.
[...] S - Le premier [de ces besoins] et le plus important de tous est celui de la nourriture, d'où dépend la conservation de notre être et de notre vie. A - Assurément.
S - Le second est celui du logement ; le troisième celui du vêtement et de tout ce qui s'y rapporte.
A - C'est cela.
S - Mais voyons ! dis-je, comment une cité suffira-t-elle à fournir tant de choses ? Ne faudra-t-il pas que l'un soit agriculteur, l'autre maçon, l'autre tisserand ? Ajouterons-nous encore un cordonnier ou quelque autre artisan pour les besoins du corps ? A - Certainement.
S - [...] Mais quoi ? Dans quel cas travaille-t-on mieux, quand on exerce plusieurs métiers ou un seul ? A - Quand, dit-il, on n'en exerce qu'un seul.
S – [...] Par conséquent on produit toutes choses en plus grand nombre, mieux et plus facilement, lorsque chacun, selon ses aptitudes et dans le temps convenable, se livre à un seul travail étant dispensé de tous les autres. »