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D. Hume - D'où vient l'idée du Moi ?

sgarniel Par Le 24/03/2020 0

Dans Extraits de texte

« Il est des philosophes qui imaginent que nous sommes à chaque instant intimement conscients de ce que nous appelons notre moi, que nous en sentons l’existence et la continuité d’existence, et que nous sommes certains, avec une évidence qui dépasse celle d’une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites. […] Tenter d’en trouver une preuve supplémentaire serait en atténuer l’évidence, puisqu’on ne peut tirer aucune preuve d’un fait dont nous sommes si intimement conscients, et que nous ne pouvons être sûrs de rien si nous en doutons.

Malheureusement toutes ces affirmations positives sont contraires à cette expérience même que l’on invoque en leur faveur et nous n’avons aucune idée du moi de la manière qu’on vient d’expliquer. De quelle impression, en effet, cette idée pourrait-elle provenir ? Il est impossible de répondre à cette question sans une contradiction et une absurdité manifestes et pourtant, c’est une question qui doit trouver une réponse si nous voulons que l’idée du moi passe pour claire et intelligible. Toute idée réelle doit provenir d’une impression particulière. Mais le moi, ou la personne, ce n’est pas une impression particulière, mais ce à quoi nos diverses idées et impressions sont censées se rapporter.

[…] Pour moi, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j’appelle moi-même, je tombe toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaleur ou de froid, de lumière ou d’ombre, d’amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne parviens jamais, à aucun moment, à me saisir moi-même sans une perception et je ne peux jamais rien observer d’autre que la perception. Quand mes perceptions sont absentes pour quelque temps, quand je dors profondément, par exemple, je suis, pendant tout ce temps, sans conscience de moi-même et on peut dire à juste titre que je n’existe pas. Et si toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort, si je ne pouvais plus penser, ni éprouver, ni voir, aimer ou haïr après la destruction de mon corps, je serais entièrement anéanti et je ne conçois pas du tout ce qu’il faudrait de plus pour faire de moi une parfaite non-entité. »

David Hume, Traité de la nature humaine (1739)

 
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